Les 2 bases théoriques de Palo Alto, la systémique et le constructivisme, apportent un autre regard sur les humains et leurs interactions.
Ainsi, au lieu de se fixer sur les personnalités, les traits de caractères, les diagnostics qui figent sur ce que les gens SONT ("Il est perfectionniste, elle est opposante de toute façon, il est négatif, etc.), il s'agit de mieux découvrir à la fois les facteurs de contexte ("Il dit qu'il se sent très dévalorisé par la réorganisation du service, moi je ne vois pas en quoi") et l'effet des visions du monde ("Moi je le vois comme un tire au flanc"), et des comportements interactifs ("C'est pour ça que je ne peux pas lui confier un projet sensible") qui aggravent le problème : le cercle vicieux est en place mais le manager ne le voyait pas.
Ce regard ouvre des perspectives nouvelles et révèle au client comment il alimente le problème. Et s'il alimente le problème, c'est qu'il peut donc influencer ! Donc changer et être acteur. Et d'ailleurs envers lui-même comme envers les autres.
Ainsi, au lieu de regarder les situations avec nos propres normes (de bonheur, d'efficacité, d'équilibre personnel ("Il ne reconnaît pas ses émotions, elle manque d'autonomie, il a un problème de légitimité") c'est adopter un regard constructiviste, c'est à dire pragmatique, qui prend en compte les effets (plutôt que les causes) et donc qui responsabilise au lieu de diagnostiquer selon un modèle :
"Je ne sais pas si vous êtes perfectionniste (ou trop émotif, ou "sauveur", etc.) mais examinons quelques questions Qui souffre, en quoi est-ce un problème ? Est-ce supportable ou pas, est-ce possible et réaliste de faire ce changement ? Ce problème a quels effets, sur qui ? Est-ce que ça n'a pas aussi des effets préoccupants sur telle situation ? Sur tel acteur ?" Si rien ne change, il se passera quoi ?"
La réflexion sur les effets nous libère des diagnostics qui laissent entendre des pathologies.
Au total, indépendamment des normes, chacun voit mieux sa part dans la problématique, les cercles vicieux éventuels, et donc la possibilité d'agir autrement et d'être plus acteur
Si le cercle vicieux me révèle que j'ai une part dans le problème, alors la bonne nouvelle est que je peux regarder autrement et agir autrement.
A un premier niveau, on peut donc apprendre le regard systémique sans avoir besoin d'être un expert Palo Alto, ce qui sera utile dans de nombreux métiers.
Mais si on acquiert cette expertise, on a alors accès aux fameuses "tâches paradoxales" qui permettent d'intervenir pour décoincer ou permettre le changement en faisant vivre une expérience inattendue et apprenante.
Une compétence et une posture respectueuse sont alors requises pour ne pas se tromper de direction et pour ne pas confondre tâche paradoxale avec provocation, emprise, ou injonction sauvage...
Peut-on maintenant faire ressortir les bénéfices pour chaque métier, que ce soit
avec l'expertise Palo Alto ou déjà avec le Regard systémique ?
Cette lettre s'adresse plutôt aux organisations, mais citons tout de même les thérapeutes systémiques : ce sont les premiers praticiens 'historiques" et ils obtiennent des résultats souvent rapides et inespérés, par exemple en matière de phobies, anorexie, dépressions, paniques, violence, comportements "parano", obsessions. Même envers la schizophrénie. Mais aussi conflits intra familiaux, révoltes adolescentes, enfants gravement colériques, etc..
(On pourra lire l'ouvrage récent, très sincère et concret, d'un psychiatre presque découragé qui avait tout essayé auparavant. "Une psychothérapie brève et efficace". Michel Pradère. Ainsi que son autre ouvrage : "L'enfant terrible".)
On est mal placé en général pour être lucide sur soi, cependant des témoignages montre la possibilité classique d'aller mieux par soi-même en matière de :
Insomnie - Stress avant une intervention - Procrastination - Evitement - Difficulté à décider - Gestion des blessures personnelles - etc.
Ils trouvent un éclairage dans l'exercice du pouvoir, pertinence du négociable, du non négociable, de l'appui sur les valeurs, (Position haute ou position basse : ne pas rendre négociable ce qui ne l'est pas, et inversement). Et souvent retrouver sa marge de pouvoir.
Compétences d'écoute, d'accompagnement.
Ajustement lucide sur les questions de responsabilisation
Communication plus claire, plus explicite, mieux motivée
Ils sont au premier rang pour traiter des situations difficiles. Palo Alto aide à pratiquer une aide qui soit en même temps responsabilisante (ce qui est souvent difficile quand des personnes semblent abuser de l'assistanat), choisir une voie parmi des difficultés multiples et décourageantes, trouver un fil pour faire évoluer des réflexes contre productifs.
Les formateurs deviennent beaucoup plus avertis et vigilants sur :
· Le circuit de la demande
· La responsabilisation du prescripteur (Ce formateur se rend compte que c'est à lui qu'on demande - abusivement - de convaincre les participants que le changement est nécessaire)
· L'énoncé des risques du non-changement qui ne doit pas venir d'eux.
· Le repérage et l'utilisation des représentations collectives
· La négociation des objectifs concrets
· La mobilisation des apprenants
Les coachs trouvent un renouvellement et une richesse du questionnement et une capacité à décoincer. Mais aussi : Clarification sur la tenue du cadre - Vigilance sur le circuit de la demande - Tâches originales proposées au client pour vivre des expériences éclairantes - Pratique du recadrage paradoxal pour assouplir les visions du monde
Soulignons : Découverte du travail préalable essentiel avec les prescripteurs
- Et surtout savoir quoi faire si le "client" n'est pas client.
Là aussi : circuit de la demande - Responsabilisation du prescripteur - Repérage et utilisation des représentations collectives - Négociation des objectifs souvent confondus avec des solutions- D'où importance de se centrer sur le problème déclencheur, souvent minimisé.
Et aussi implication du N+2, qui peut très bien être le vrai prescripteur.
Cela dit il existe de nombreux dispositifs de coaching d'équipe qui fonctionnent très bien et que la systémique valide à partir du moment où ils ...n'alimentent pas le cercle vicieux du problème ! Comme, par exemple, les fresques dessinées en commun et qui veulent créer l'illusion d'une cohésion d'équipe finale.
Voie royale pour tous pour s'entraîner à développer le regard systémique !
Pertinence du questionnement - Identification fine du problème dans l'interaction - Ne pas confondre le constat et le problème (Souvent confondus)- Clarification du contexte et du système (On le fait bien trop peu) - Compréhension précise de "ce qui se passe" avec des faits (On a trop peu de faits et trop de "considérations")- Perception de "où en est le client" - Divergences enfin nettes et pertinentes - Repérage des cercles vicieux qui maintiennent le problème, si fréquents déjà dans la demande bien sûr.
Une intervention systémique paradoxale regarde nécessairement les structures et le système organisationnel pour en repérer les effets pervers (il y en a toujours). Et les changements à conduire sont toujours en même temps des changements de pouvoir dont on veut prendre la mesure et qu'il faudra réguler. Et les régulations systémiques supposeront qu'on veille spécialement à la qualité des coordinations et des interfaces.
Tous ces métiers ci-dessus ne font pas appel aux tâches paradoxales. Les coaches apprennent à les utiliser. Elles demandent une compétence précise et un cadre clair.
Mais pour autant tous les métiers peuvent exercer une influence très utile par le choix de la posture, le regard systémique plutôt que psychologique, la clarification du problème et de qui est client (ou ne l'est pas), l'exploration des effets et des conséquences (plutôt que du passé), et bien sûr les recadrages, c'est à dire la possibilité, offerte tout au long d'une interventions, ou d'un dialogue, d'inviter à "voir autrement" pour éventuellement "agir autrement".