La Lettre de  PALO ALTO

L'apport de la Systémique paradoxale

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Etre constructive

. La demande de Sabine
Sabine travaille chez un opérateur téléphonique. Elle est cliente dans une séance de Codev animée par un facilitateur récent et en présence d'un formateur- superviseur de la séance

 

Etapes 1 et 2

La structure

"J’étais adjointe d’un manager il y a peu et j’ai accepté ce nouveau poste pour devenir manager. Depuis 5 mois. En fait on est 2 managers pour gérer les 24 personnes du Centre de Service aux Entreprises (CSE). C'est une plateforme téléphonique. Ma collègue Josiane gérait encore il y a 5 mois les 24, seule. Mais c’était trop. Donc on est 2 équipes maintenant, même si on gère plutôt ensemble les 24.

Josiane est là depuis longtemps. Elle est très amie avec notre N+1, Bertrand, directeur du CSE. Enfin elle « était » amie, car là depuis 6 mois ils ne s’entendent plus. Je ne connais pas trop les raisons. Je crois que Josiane était candidate pour une promotion. Bertrand n’a pas émis un avis favorable. Depuis Josiane est particulièrement amère.
On est tous en "open space" sauf Bertrand qui a un bureau.

 

La plainte

Josiane est blessée. Elle a du mal à faire son travail. Et puis elle a un style plutôt du genre « on verra, j’improvise ». Ce qui ne me va pas du tout. Moi je prépare, je structure. Elle fait des oublis. Je compense. C'est surtout moi qui prépare nos réunions. Mais en même temps c’est nouveau pour moi. Et ça me demande un travail énorme.

Je fatigue beaucoup

 

Les constats et pensées de Sabine

Et en plus, les relations sont très tendues entre Josiane et Bertrand. Climat pesant.
Ils ne se parlent plus.
Bertrand me reçoit dans son bureau et me donne les consignes pour Josiane, que je transmets, mais ce n'est pas pratique. De même quand Josiane veut quelque chose de Bertrand, elle me le dit.

Ils ne peuvent pas se parler, ou alors ils s’engueulent...

 

Quand je suis avec Bertrand, qui a un bureau fermé, il me dit pis que pendre de Josiane. Je lui dis « Stop Bertrand. Si j’apprends que tu parles comme ça de moi, ça se passera mal, je ne l’accepterai pas »
Je mets des limites. Et j’essaye surtout que le service fonctionne. Je comble leurs manques. On est responsable de 24 personnes !

Mon problème est que je m’épuise. Et que je ne sais pas trop comment améliorer la situation.
Car je veux être constructive avant tout. Etre positive. Ne pas contribuer aux tensions

Parfois Josiane et Bertrand s’engueulent même en présence des collaborateurs. Je leur dis de ne pas faire ça, c’est destructeur.

Etape 3. La demande
Comment faire ? Je voudrais avoir les "épaules larges" et être une sorte "d’ambassadeur d’un esprit constructif". D’autant qu’ils s’entendaient bien avant. C’était une grande complicité. (Non, non, sans relation extra conjugale)
Je travaille 10 à 11h par jour. Je souffre physiquement. Comment rester constructive sans m'épuiser".

Le groupe de 7 participants écoute, réfléchit, enfin accepte la demande, qui devient le contrat. L'animateur confirme le contrat et lance l'étape 4.

 

. Le théâtre de boulevard

Dans cette séance, le groupe est composé de managers, de conseillers, de RH, de chefs de projets.
Tous sont sensibles à la préoccupation de la cliente. Tous veulent être utiles. Ils comprennent bien la valeur énoncée par la cliente : agir de manière constructive. Ils y adhèrent, probablement.

Et pourtant cette séance va à la catastrophe, telle qu'elle est partie.

Le formateur, en position de superviseur, intervient et échange avec le groupe :
- La demande convient ? Vous allez pouvoir être utiles à la cliente ?
> Oui, oui
- Qu'un manager N+2 ne parle plus à sa collaboratrice N+1, ce n'est pas choquant ? > Oh, cela arrive, hélas. Ce n'est pas si rare, vous savez.

- Et que Sabine fasse l'intermédiaire ?
> Eh bien, elle permet au moins que ça fonctionne...
- Eh que se passe t'il pour Josiane ?
> Oui c'est dur.
> Oui, en fait elle est rejetée au profit de la nouvelle
> Oui, la nouvelle rend drôlement service à Bertrand
> En fait, oui, ça fait ...prolonger une situation anormale
- Anormale, on pourrait dire aberrante, choquante. Allons au bout : plus Sabine veut être constructive, plus elle va rendre viable une situation folle, plus elle va être appréciée de Bertrand, plus Josiane va se sentir dévalorisée voire détruite...
- On ne peut pas accepter cette demande qui va aggraver la situation.

 

A ce moment-là, Sabine intervient : "Comment dire, en un sens je suis soulagée d'entendre cela. Parce que j'ai oublié de vous dire... Bertrand m'a dit qu'il installerait mon bureau dans son local avec lui, la semaine prochaine. Cela ne m'enchantait pas...

(On se croirait dans une comédie de boulevard. Qui pourrait devenir une dramatique)

Après cette interruption, dans l'étape 4, différentes propositions- divergentes- ont fusé :
- avertir le déontologue
- rencontrer N+3 ou N+4

- alerter la DRH
- changer de fonction

L'esprit constructif a bougé.

Dans notre expérience, un quart des demandes risque de maintenir ou aggraver le problème que l'on veut résoudre. Si l'on n'est pas formé, on ne le voit pas.
Le Regard systémique évite cet angle mort.

 

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© Dominique Delaunay /Alternatives Consulting